Les meubles aux formes épurées et généreuses de Pierre Chapo reviennent sur le devant de la scène pour le plus grand plaisir des amateurs de design. De quoi admirer à nouveau le sublime piétement croisé qui orne certains modèles de ce designer emblématique un temps oublié, à (re)découvrir absolument.
En matière de mobilier, certaines créations n’ont vocation qu’à marquer leur époque, tandis que d’autres traversent les âges sans vieillir, si ce n’est en profitant d’une patine unique qui leur confère encore plus de charme. Tel est le cas des meubles créés par Pierre Chapo (1927-1987), designer français dont les créations magnifient la beauté de l’assemblage et les essences de bois.
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Des meubles qui mêlent avec brio matière, forme et fonction
De ses meubles, Pierre Chapo disait qu’ils étaient créés « avec de la sincérité et de très beaux matériaux, des matériaux que les hommes ont toujours touchés, toujours travaillés. » Peut-être est-ce là l’essence même du mobilier Chapo : des meubles dont l’esthétique épurée les rend fonctionnels et intemporels, mais surtout, laisse toute sa place à la couleur du bois et sa veinure. Ce sont elles qui insufflent aux créations « la fantaisie, l’inattendu, la grâce », portées aussi par des détails uniques à l’image du piétement croisé de plusieurs modèles Chapo. Des créations remarquables, belles par essence et dénuées de tout artifice pour “faire beau”.
Fortement influencées par les maîtres du mouvement artistique Bauhaus (Frank Lloyd Wright, Le Corbusier, Buckminster Fuller, Ludwig Mies Van der Rohe…) et de ses formes géométriques si caractéristiques, les créations de Pierre Chapo semblent également indissociables d’autres créateurs emblématiques des années 50. Des créations alors marquées par le design scandinave et le mobilier d’Arne Jacobsen, l’esthétique nippone, si chère à Charlotte Perriand, mais aussi les céramiques de Georges Jouve, aux lignes courbes et généreuses.
Si les meubles de Pierre Chapo semblent ainsi le fruit de l’abondance créative de toute une époque, ils demeurent cependant reconnaissables en un instant par celles et ceux qui ont déjà posé leur regard sur leur design unique. Un design marqué par des techniques d’assemblage propres, issues de ses recherches en matière de menuiserie et dont il a acquis les bases auprès d’un charpentier de la Marine en 1947, avant de les parfaire aux Beaux-Arts de Paris, où il rencontre son épouse, Nicole.
Pierre Chapo, un artisan designer au plus proche de la nature
Plus de 100 modèles ont ainsi vu le jour jusqu’à la disparition de Pierre Chapo en 1987. Des meubles qui, outre leur design, se distinguent aussi par un choix harmonieux des tissus et matières, fruits du sens esthétique de Nicole Chapo (1925 – 1997), qui habille notamment de cuir les banquettes et les sièges. Les créations Chapo sont alors exposées dès 1958 au sein de la galerie éponyme dans le 5e arrondissement de Paris, un lieu qui sert d’espace d’exposition et de boutique. Les époux Chapo y exposent également les créations de designers qui marqueront aussi leur époque et les autres à venir ; à l’instar d’Isamu Noguchi (1904-1988) et de ses lampes Akari si poétiques, ou encore des luminaires de Serge Mouille (1922-1988), éternels indémodables.
Très attaché au Vaucluse, Pierre Chapo ouvre en 1962 son propre atelier de création dans le village de Gordes, au plus près de la nature. Il rencontre cependant quelques difficultés pour fabriquer des meubles dans la région, ce qui le conduit à s’associer avec l’entreprise grenobloise Seltz qui travaille le bois depuis plusieurs générations. Une collaboration qui permettra de magnifier les essences de bois, mises en valeur par un remarquable travail d’assemblage et les lignes franches des meubles Chapo, aux détails aussi fonctionnels qu’esthétiques.
Des modèles que les amateurs de design acquièrent désormais à prix forts sur le marché de l’occasion, le style Pierre Chapo étant à nouveau plébiscité depuis quelques années en raison d’un retour aux matériaux bruts. Les tarifs des nouvelles productions sont ainsi nettement inférieurs à ceux des exemplaires d’époque.
L’histoire du mobilier Chapo se conjugue désormais au présent
Car l’histoire du mobilier Chapo ne s’arrête pas avec la fin du XXe siècle, puisque l’atelier est tout d’abord repris après la mort du designer par Nicolas, son fils aîné. La production, alors interrompue depuis une dizaine d’années, est finalement relancée dans les années 2000 par le fils cadet de Pierre Chapo, Fidel Chapo (1967 – 2021). Las de la vie parisienne, ce dernier entame un retour aux sources dans le Lubéron, où aux côtés de son fils Zoran et d’une petite équipe d’artisans, il relance l’illustre atelier de son père. Une production artisanale au compte goutte, fidèle à l’héritage de Pierre Chapo.
Aujourd’hui, la quasi-totalité du mobilier Chapo est disponible à la commande, soit une centaine de modèles conformes aux dessins originaux, si ce n’est quelques ajustements concernant la qualité des mousses pour les sièges et certains accessoires de montage. Des pièces créées artisanalement dans l’atelier vauclusien de Gordes, tout comme l’étaient les meubles de l’époque. Le plus souvent conçus à partir de chêne et d’orme, les modèles de la collection Chapo se déclinent également en frêne, hêtre et cyprès, des essences toutes issues d’une gestion forestière responsable. Des meubles ancrés dans la tradition française d’un mobilier artisanal d’exception ; en somme, des meubles pour toute une vie.
